Les cruelles berceuses...
Dans un de ces petits tiroirs secrets
de ma mémoire
sont rangées les berceuses que me chantait mon père
quand j'étais petite...
C'est seulement de ces berceuses douloureuses
que je me souviens,
où il n'est question que de pauvres veuves
qui attendent désespérément en leur chaumière
le retour d'un marin qui ne reviendra pas...
Que de ce petit Grégoire, trop petit toute sa vie,
et même, dédaigné par les balles,
pour mourir à la guerre...
Que du terrible boucher qui enferme dans son saloir
les petits enfants qui s'en vont glaner aux champs...
Mon père a ainsi donné à ma vie, inconsciemment certainement,
trop précocément sans doute,
le sens du tragique...
D'une certaine façon c'était, j'en suis persuadée maintenant,
sa propre plainte qu'il me confiait...
-Chaque fois que je regarde Homer Simpson
avouant ingénument les désarrois de sa fragilité à sa fille Lisa,
je pense à lui, je pense à nous...-
(à chaque époque ses références!!!)
Et moi j'écoutais de toute mon âme, et je compatissais...
Pendant ce temps, dans d'autres maisons,
les autres petites filles s'endormaient
sous le plumetis de l'abat-jour,
dans la rumeur sucrée et convenue d'une berceuse maternelle...
Je me dis souvent que
c'est peut-être cette façon inédite
de bercer mes rêves enfantins
qui a finalement construit ma différence...
Allez savoir!