La Dame aux Bégonias...
Les bégonias et moi,
on n'a jamais vraiment fait bon ménage...
Pourtant, j'en ai reçu un paquet,
dans ma vie, des bégonias...
Ils arrivaient un beau jour,
dans les bras d'amis adorables,
bien empaquetés dans leur papier cristal,
avec l'étiquette du fleuriste pour fermer le bouquet,
souvent même la petite notice de conseils
pour les conserver le plus longtemps possible...
Pour faire plaisir à mes amis je m'extasiais sur leurs jolies fleurs,
blanches, roses, oranges, nacrées, ou bien rouges...
Je m'empressais de les déballer, la mine ravie,
de les installer à la place d'honneur,
promettant qu'ils seraient choyés,
entourés des soins les plus attentifs,
enfin tout ce qu'on dit dans ces cas...
Mais le coeur n'y était pas, cela ne trompait en tous cas pas
les bégonias...
Ils sentaient tout-de-suite que leur genre de beauté,
c'était plus fort que moi,
ne me touchait guère...
Les premiers jours cependant,
décidée à passer outre mon indifférence,
j'en prenais effectivement grand soin...
Mais il arrivait vite, le moment où,
insensiblement, leurs tiges translucides
commençaient à mollir,
à s'incliner de façon inquiétante,
puis à se dessècher minablement,
tandis que la chute des belles petites corolles des fleurs
s'accélérait...
Le matin arrivait vite où je ne pouvais que faire le constat
que l'heure était venue
de mettre le pauvre bégonia à la poubelle...
Samedi, lorsque j'ai reçu de mon adorable Mina
une barquette entière de huit bégonias
à rempoter,
j'ai eu comme une révélation:
Le destin voulait se venger
du triste sort que j'avais réservé à leurs pauvres prédécesseurs...
Alors aujourd'hui, j'ai expié:
Il y a ce soir huit petits bégonias sur le rebord de ma fenêtre,
bien vigoureux dans leurs huit petits pots
remplis de bon terreau...
Cette fois, c'est juré,
je vais les soigner avec amour,
durant tout le temps de leur floraison, durant tout l'été,
et même en automne...
De mémoire de jardinier
on n'aura jamais connu bégonias plus prospères
sur le bord d'une fenêtre...
Croix de bois, croix de fer,
si je mens j'vais en enfer...